Capgemini et CNES : Interview croisée de deux intrapreneures

Comment s'y prend-on pour être intrapreneur?

Comment booster la dynamique d'innovation intrapreneuriale?

 

Propos édifiants de deux intrapreneures qui croisent ici leur aventure.

Hélène Brossier, Consultant manager à Capgmeni Toulouse

 

 

A son poste d'accélération des programmes,  Hélène met en œuvre son approche de management des intrapreneurs, fondée sur l'encouragement, l'allocation de ressources et l'incentive.

Cathy Lacomme Verbiguié, aujourd'hui chef de projet de la transformation numérique et du "New Management" au CNES

 

 

Elle obtint fin 2015 un trophée pour REBOOsT, projet de transformation de la DSI visant à mieux travailler ensemble pour un système d’information plus performant.


Quel a été le point de bascule, la prise de conscience qui a fait de vous une « intrapreneure » ?

Hélène Brossier, Manager Conseil, Capgemini
Hélène Brossier, Manager Conseil, Capgemini

Hélène : je suis arrivée dans un service où les gens étaient incentivés par une prime annuelle. Je ne trouve pas cela très efficace managérialement.

J’ai voulu proposer des alternatives à ce modèle en mettant en avant autre chose où l’argent n’est pas le moteur de l’action, mais le goût de l’innovation.

Car c’est une question de survie pour nos salariés : quel sera notre emploi dans 15 ans ?

Cathy Lacomme Verbiguié, Chef de projet de la transformation numérique, CNES
Cathy Lacomme Verbiguié, Chef de projet de la transformation numérique, CNES

Cathy : J’ai, en 2015, constaté que j’avais un problème : nous devions conduire un changement profond, et je sentais que nous n’allions faire que le minimum technologique alors que nous avions besoin d’une vraie force de frappe.

 

Soit nous jouions « petit bras », soit nous nous remontions les manches : le 2ème choix était pour moi une évidence.

Comment avez-vous conquis l’appui de la direction et recherché des alliés ?

Cathy : dans tous les cas l’intrapreneuriat suppose un mandat de la direction ; ce changement managérial a été conduit avec la DRH du siège.

 

Hélène : j’ai moi aussi eu un mandat de la direction et un mentor exemplaire en interne.

Quelles sont les protections dont le projet a besoin pour lui permettre de vivre ?

Cathy : il faut un dévoilement modéré, un reporting dosé, garder au projet son « jardin secret » pour ne pas brider la créativité interne et faire confiance à l’intelligence collective : par exemple, j’ai convié la direction au séminaire bilan sans qu’elle ait une totale maîtrise du contenu. Elle a découvert certaines réalisations en direct, ce qui est exceptionnel mais elle a joué le jeu !

 

Hélène : certes le livrable final est impératif, mais les moyens d’y faire adhérer sont tout aussi prépondérants – car la seule question qui vaille est « comment va-t-on défendre LA bonne idée ? »

 

Comment s’y prend-on pour "intraprendre" avec peu de moyens ?

Cathy : personnellement, j’ai gardé mes fonctions opérationnelles et réparti mon temps en autonomie. J’ai aussi su travailler avec des « bouts de chandelle » et fait appel aux volontaires ! Le message à passer était fort : « nous avons déjà tout, nous pouvons nous transformer en travaillant différemment ».

Hélène : par proposition collégiale d’une équipe de management , soutenue par la direction, 3 à 5 % du budget d’un « bouquet » (bundle = ensemble de projets mis en œuvre pour un client sur plusieurs années, NDLR), sont dédiés à la R&D, en toute transparence avec le client. Ce qui signifie que nous constituons un budget R&D qui est en partie supporté et totalement approuvé par le client.

 

Quelles "bonnes pratiques de l’intrapreneur" avez-vous mises en place ?

Hélène : dans les « practices » comme la RH (des « disciplines » qui se créent naturellement par des centres d’intérêt communs), un petit déjeuner a lieu toutes les 3 semaines pour présenter les initiatives innovantes ou l’état de l’art sur un sujet. Et nous mettons en place des cellules d’innovation dans les bundles qui accueillent 50 à 100 salariés.

Cathy : Nous avons développé un certain nombre de rituels : des cafés de l’innovation ; des groupes de pairs ; la conviviale attitude ; le panier à problèmes ; le traitement de la relation critique pilotes sponsors, les petits-déjeuners presque parfaits inter-service, des affichages visuels interpellants, …

 

Comment s’est manifestée votre capacité à diverger et à faire entrer l’authenticité dans l’intrapreneuriat ?

Authenticite humour

Cathy : « on bouscule » ; j’ai vu des managers secoués. Et en même temps j’ai réussi à faire sauter la soupape, et à introduire du fun ! Tout simplement, j’ai aidé à oser !

 

Hélène : pour le traduire en image, il faut savoir aller à la périphérie (la créativité) pour revenir enrichi au centre (le cœur de l’activité). Pour les collaborateurs, tomber les masques est un tel soulagement.

Comment avez-vous revisité le rôle du manager ?

Hélène : j'ai adopté le rôle d’un manager inspirant ; d’un mentor. Car avec les jeunes générations se pose LA vraie question du management : quels seront les emplois de demain ?

Ainsi, j’ai lancé des challenges dont les salariés s’emparent…S’ils le souhaitent. Je cherche à détecter chez les personnes ce qui va au-delà de ce qui leur est demandé pour qu’elles puissent exprimer leur potentiel. C’est un management de facilitation plutôt que de direction.

 

Cathy : je me suis construit ce rôle dans lequel j’ai insufflé créativité, expérimentation, tolérance à l’échec. Je suis restée dans l’authenticité, être soi est indispensable pour porter un tel projet sur la durée car il faut une énergie infaillible : ceux que l’on a embarqués comptent sur vous !

Il faut savoir soutenir les idées, encourager les initiatives, détecter les talents cachés de chacun, canaliser les forces individuelles pour mettre en lumière la richesse du collectif.

Quelles sont pour vous les règles de survie de l’intrapreneur ?

kayak rapides

Cathy : se nourrir aussi à l’extérieur de l’entreprise, se former (MOOCs…). Accepter de "démarrer petit”; “tisser sa toile”. Et surtout faire preuve d’une tolérance à l’échec : la peur de l’échec gèle l’innovation ; il faut savoir réemployer l’échec pour en faire une force car cela démontre aussi que tout le monde peut essayer !

Quel est le rôle de l’espace de travail dans la réussite ?

ASE Capgmini Toulouse
ASE Capgmini Toulouse

Hélène : Capgemini Toulouse a mis en œuvre un espace de créativité, plateforme de plusieurs centaines de mètres carrés, l’ASE (Accelerated Solution Environment). Par ailleurs, nous avons 9 laboratoires d’innovation dans le monde. Il faut dégager des espaces où les gens vont s’autoriser ce type d’initiative.

Cathy : j’ai obtenu qu’un espace physique, intitulé Reboost, soit dédié à notre projet. Cela était à mes yeux une condition de réussite. J’ai aussi instauré le desksurfing, ou possibilité de changer de bureau pendant une journée avec un collègue pour découvrir son environnement de travail en totale immersion dans un service nouveau avec des méthodes de travail différentes.

 

Qu’est-ce que le fait d’être une femme apporte de plus, ou de différent  à l’intrapreneuriat ?

Femme picto

Cathy : les femmes sont des catalyseurs de décision. Nous ne passons pas des heures à palabrer en réunion !

 

Hélène : mon N + 1 dit de moi que j’ai « quelque chose d’entourant qui est proprement féminin » :).

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